Toutes les étoiles n’ont pas la même composition chimique. La mesure précise des abondances dans les toutes premières étoiles de la Galaxie est fondamentale pour la théorie de la nucléosynthèse stellaire. Les instruments modernes permettent des mesures spectroscopiques précises. De nouvelles déterminations d’abondances faites par une équipe internationale, conduite par des astronomes de l’Observatoire de Paris, montrent que, pour être à la hauteur de cette précision, et fournir des indications rigoureuses aux théories de nucléosynthèse, des méthodes de déterminations raffinées sont nécessaires.
Dans le "Large Program : First stars" de l’ESO, des déterminations précises des abondances des premières étoiles de notre Galaxie ont été obtenues à partir d’étoiles géantes, et ont donné des résultats encourageants. Par exemple, on voit se développer simultanément, au cours des générations successives d’étoiles, l’abondance en fer et en chrome, avec une excellente corrélation, illustrant la faible amplitude des erreurs aléatoires. Mais la nucléosynthèse stellaire ne prévoit pas la pente observée dans cette corrélation (découverte, il y à 14 ans par McWilliam et collaborateurs), montrée en Figure 1, suggérant la présence d’erreurs systématiques.
Dans un second temps, l’équipe a utilisé des étoiles naines : les résultats sont un peu différents, notamment pour le chrome, comme le montre la Figure 2.
Plus précisément, si on utilise les raies neutres, la pente des naines est un peu moindre, le rapport Cr/Fe un peu plus grand. Mais si on utilise la raie ionisée du chrome (une seule raie est observable), la pente disparaît presque et le rapport Cr/Fe est proche de la valeur solaire, suggérant que le chrome et le fer évoluent identiquement. Ce désaccord suggère aussi que l’ionisation du chrome n’est pas bien prise en compte dans les calculs qui traduisent les mesures spectroscopiques des raies des géantes en abondances (ou rapports d’abondances). On utilise en effet dans les calculs l’hypothèse de l’équilibre thermodynamique local, qui est une approximation très souvent suffisante (mais pas toujours) dans l’atmosphère des géantes, et visiblement pas dans le cas présent. Pour s’affranchir de cette approximation, il faudrait connaître avec précision les niveaux d’énergie et les probabilités de transition de l’atome de chrome : on espére que des spécialistes de physique atomique obtiendront ces données dans un futur proche.
Les astronomes du GEPI travaillent simultanément à s’affranchir d’une autre approximation des calculs d’abondance, en tenant compte des turbulences hydrodynamiques. Une grille de simulations hydrodynamiques des atmosphères stellaires a été calculée et utilisée pour l’analyse des naines. Une grille pour les géantes, plus exigeantes en termes du temps de calcul, est en cours de construction. Ceci a été possible grâce à un bourse d’excellence Marie Curie, qui finance l’équipe CIFIST au GEPI.