En 1922, Mary Lea Heger, en doctorat à l’Observatoire de Lick aux USA, a identifié quelques raies d’absorption faibles d’origine inconnue dans les spectres des étoiles. Quelques années plus tard, les astronomes ont réalisé qu’elles étaient créées dans le matériau qui existe entre les étoiles, ou Milieu Interstellaire, et ils les ont appelés "Bandes Interstellaires Diffuses". Près d’un siècle après leur découverte, les astronomes connaissent plus de 400 de ces bandes. Cependant, ils n’ont pas encore identifié les espèces qui les provoquent. Les meilleurs candidats sont des macromolécules carbonées présentes à l’état libre dans les nuages interstellaires et, en tant que telles, ces bandes pourraient être l’empreinte du plus grand réservoir de matière organique dans les galaxies. Il s’agit, cependant, d’une empreinte extrêmement faible, et donc difficile à repérer. En fait, c’est uniquement pour la Voie Lactée que les astronomes ont pu créer des cartes partielles pour certaines de ces bandes et c’est seulement dans quelques galaxies du Groupe Local que l’on a pu repérer leurs empreintes à plusieurs endroits.
En utilisant les données du tout nouvel instrument MUSE au VLT, une équipe d’astronomes menée par Ana Monreal-Ibero, au GEPI, et Peter Weilbacher au Leibniz-Institut für Astrophysik Potsdam vient de détecter une de ces bandes mystérieuses sur une grande partie d’une galaxie en interaction, membre d’un système surnommé "la chaise du dentiste" . La galaxie, à 160 Mpc, est plus de deux ordres de grandeur plus lointaine que toute galaxie pour laquelle ces bandes ont été détectées à plusieurs endroits. Avec cette découverte, l’équipe démontre que la cartographie de ces empreintes dans les galaxies lointaines est possible. Grâce à la combinaison des instruments à haute sensibilité et de grands télescopes, les astronomes pourront un jour répondre à la question : à quel stade de l’évolution des galaxies et dans quelles conditions favorables sont apparues les espèces organiques encore mystérieuses à l’origine des DIBs ?
Lien à la publication scientifique : http://www.aanda.org/articles/aa/abs/2015/04/aa25854-15/aa25854-15.html