Le très grand télescope (Very Large Telescope VLT) de l’ESO — installation phare de l’Europe pour l’astronomie au sol — est désormais équipé de son premier instrument de seconde génération : X-shooter. Il a la capacité d’enregistrer, en une seule fois, avec une haute sensibilité, la totalité du rayonnement (spectre) d’un objet céleste - depuis l’infrarouge jusqu’à l’ultraviolet. Cet outil nouveau et unique sera particulièrement utile à l’étude des explosions lointaines baptisées sursauts gamma.
“X-shooter offre une capacité unique parmi les instruments des grands télescopes”, déclare Sandro D’Odorico, le coordinateur du consortium de chercheurs et d’ingénieurs européens qui ont bâti ce remarquable outil. “Jusqu’à présent, différents détecteurs, des télescopes variés et des observations multiples étaient nécessaires pour couvrir cette gamme de longueur d’onde. Les données d’un astre pouvaient être acquises à des moments distincts et dans des conditions différentes. Cela rendait leur comparaison difficile.”
X-shooter, lui, couvre l’ensemble du spectre visé : de l’ultraviolet (300 nanomètre de longueur d’onde) à l’infrarouge proche (2 400 nm). En parallèle, il analyse jusqu’à la moitié de la lumière reçue d’un astre après qu’elle a traversé l’atmosphère et le télescope. “Tout compris, X-shooter va nous aider à économiser le précieux temps de télescope dans un rapport de un à trois ou plus. Il ouvre une nouvelle fenêtre d’opportunité pour l’étude de nombreuses sources célestes encore bien mal comprises.” indique D’Odorico.
Le nom de l’instrument de 2,5 tonnes a été choisi afin d’illustrer sa capacité à acquérir de manière efficace des données sur une source dont la nature et la distribution d’énergie sont inconnues avant le début de l’observation. Cette propriété particulièrement est cruciale dans l’étude des sursauts de rayons gamma, les explosions les plus énergétiques connues dans l’Univers. Jusqu’à présent, une estimation grossière de la distance de la cible céleste était nécessaire pour décider quel instrument mettre en œuvre afin de conduire une étude approfondie. Grâce à X-shooter, les astronomes vont pouvoir se passer de cette première étape. C’est important dans le cas des sursauts gamma qui s’estompent et disparaissent très rapidement. La vitesse des opérations techniques est alors un facteur clef pour comprendre la nature de ces sources fugaces et éphémères.
“Je parie que X-shooter va découvrir les sursauts gamma les plus éloignés et les tout premiers objets formés dans le jeune Univers,” indique François Hammer, de l’Observatoire de Paris, qui mène la participation française à X-shooter.
X-shooter est l’œuvre d’un consortium de 11 instituts au Danemark, en France, en Italie et aux Pays-Bas avec l’ESO. Au total, il a bénéficié de 68 personnes-an de travail des ingénieurs, techniciens et astronomes. C’est un investissement de six millions d’euros. Le temps de réalisation a été remarquablement bref pour un projet de cette complexité. Il a été bouclé en un peu plus de cinq ans à partir de la réunion initiale tenue en décembre 2003.
“Le temps de réalisation relativement court et le succès de l’instrument sur le télescope signent la qualité et l’engagement des nombreuses personnes impliquées”, déclare Alan Moorwood, directeur des programmes à l’ESO.
L’instrument a été installé sur le télescope fin 2008. Les premières observations en configuration complète ont eu lieu le 14 mars 2009. Elles ont démontré que l’instrument fonctionne parfaitement, avec une résolution et une efficacité inégalées, sur la totalité de la gamme de longueurs d’ondes visée, de l’ultraviolet difficile à capter, jusqu’à la limite de la bande infrarouge K dominée par l’émission thermique. X-shooter a d’ores et déjà prouvé sa pleine capacité à obtenir des mesures complètes du rayonnement d’étoiles pauvres en éléments chimiques lourds, de systèmes binaires-X, de quasars éloignés et de galaxies, de la nébuleuse de l’étoile supergéante Eta Carène et de la supernova historique 1987A dans le Grand nuage de Magellan. Il a observé un sursaut gamma éloigné qui, par chance, a explosé pendant la période de test.
X-shooter sera remis à l’usage de la communauté astronomique à partir du 1er octobre 2009. L’instrument répond clairement à un besoin scientifique pointu : 350 propositions d’utilisation ont été reçues pour les premières périodes. Elles couvrent un total de 350 nuits d’observation et en font, alors qu’il n’est pas encore officiellement en service, le second instrument le plus demandé sur le Very Large Telescope VLT.
Le Très grand télescope, Very Large Telescope VLT de l’ESO, est l’instrument optique le plus avancé du monde. Il se compose d’un ensemble de quatre télescopes de 8,2 mètres et se situe à l’observatoire Paranal sur un pic montagneux isolé dans le désert d’Atacama, au nord du Chili. Les quatre télescopes offrent, au total, 12 stations focales où sont installés des instruments d’imagerie et de spectroscopie. En outre, une station spéciale recombine la lumière issue des télescopes utilisés de concert en mode d’interférométrie.
Le premier instrument FORS1 du VLT a été installé en 1998. Il a été suivi de 12 autres répartis sur les points focaux dans les dix dernières années. X-shooter est le premier instrument de seconde génération destiné au VLT. Il remplace le cheval de bataille FORS1 mis en œuvre avec succès pendant plus de dix ans par des centaines d’astronomes. X-shooter opèrera au début au point focal Cassegrain du télescope Kuyen (UT2).
En réponse à un appel à proposition pour l’instrumentation de seconde génération du VLT, l’ESO a reçu trois offres correspondant à des spectrographes de résolution intermédiaire et de haute efficacité. Elles ont été fondues en une seule autour du présent concept X-shooter approuvé pour construction en novembre 2003. La revue de conception finale, où le concept technique est figé et déclaré apte à la réalisation, remonte à avril 2006. Les premières observations au complet sur le télescope ont été menées le 14 mars 2009.
X-shooter est un projet conjoint du Danemark, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’ESO. Les instituts partenaires sont : le Niels Bohr Institute et le DARK de l’Université de Copenhague au Danemark ; le laboratoire Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation GEPI (Observatoire de Paris, INSU-CNRS) et Astroparticule et Cosmologie basé à l’Université Denis Diderot de Paris, avec des contributions du CEA et du CNRS en France ; les observatoires de Brera, Trieste, Palerme et Catania et le ministère de la recherche MIUR en Italie ; Astron ainsi que les Universités d’Amsterdam et de Nijmegen aux Pays-Bas. À coté des instituts et de l’ESO, le projet a été soutenu par les agences nationales d’Italie INAF et des Pays-Bas NOVA et NWO, ainsi que par la fondation Carlsberg du Danemark. Au Danemark et aux Pays-Bas, il a aussi reçu l’appui du prix Descartes, le plus important prix de science en Europe, attribué par l’Union européenne en 2002 à la collaboration de recherche sur les sursauts gamma menée par le professeur Ed van den Heuvel.
ESO, Observatoire européen austral, est la principale organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe. Elle regroupe 14 pays contributeurs : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Danemark, France, Finlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède, Suisse et Royaume-Uni, République Tchèque.
L’ESO mène un ambitieux programme concentré sur la conception, la construction et l’exploitation de puissantes installations d’observation basées au sol. Elles permettent aux astronomes d’effectuer d’imporantes découvertes. L’ESO joue aussi un rôle de premier plan dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO met en œuvre trois sites d’observation uniques au monde, dans la région du désert d’Atacama au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor.