L’origine et l’importance du mélange radial des étoiles dans le disque galactique sont mal connues. Au rayon galactique solaire, les étoiles se déplacent essentiellement le long d’orbites circulaires autour de l’axe central de la Galaxie, mais elles peuvent s’écarter significativement de leur orbite d’origine, suite à différents processus dynamiques (bras spiraux en particulier). Deux articles récents d’un astronome de l’Observatoire de Paris mettent en évidence l’empreinte que laisse ce mélange radial sur la cinématique des étoiles au voisinage solaire et analysent quelques conséquences.
La première conséquence de la migration des étoiles concerne la transition entre le disque « épais » et le disque « mince ». Le disque épais est composé d’étoiles vieilles dont l’origine n’est pas bien connue. Elles pourraient s’être formées dans la Galaxie, ou être le résultat de l’accrétion d’une galaxie naine dans le passé lointain de la Voie Lactée (il y a plus de 8 à 10 milliards d’années). L’abondance en éléments ’alpha’ en fonction de la métallicité des étoiles au voisinage du soleil (voir figure), montre qu’il existe un hiatus en métallicité entre les étoiles riches en métaux du disque épais (vers -0.2 dex) et celles pauvres en métaux du disque mince (à -0.8<[Fe/H]<-0.6). L’évolution chimique standard s’accorde mal de cette différence : comment expliquer que les étoiles du disque épais, (plus vieilles, donc formées à une époque où la metallicité était plus faible), soient 2 à 4 fois plus riches en métaux que des étoiles du disque mince ? Par ailleurs, on sait qu’il existe, dans le disque galactique, un gradient de métallicité : les étoiles formées dans les régions internes et externes du disque galactique sont (en moyenne) respectivement plus et moins enrichies que les étoiles du voisinage solaire. Or, l’analyse des paramètres orbitaux des étoiles pauvres du disque mince montre qu’elles proviennent sans doute du disque externe.
Ainsi, la migration des étoiles dans le disque mince élargit significativement l’intervalle de métallicité des étoiles que l’on trouve au rayon galactique solaire (-0.8 à +0.6 dex), qui sinon serait beaucoup plus réduit (-0.2 à +0.2 dex). Si on ne tient compte que des étoiles qui se sont formées au rayon galactique solaire, la discontinuité apparente en métallicité entre les deux disques disparaît. Ce résultat suggère que le lien de parenté entre les deux disques pourrait être réel, et amener à conclure que les étoiles du disque épais se sont formées dans la Galaxie.
Une deuxième conséquence concerne la relation entre la métallicité des étoiles et la présence de planètes géantes. La plupart des planètes géantes sont découvertes autour d’étoiles riches en métaux. Le mélange radial implique que celles-ci proviennent donc du disque interne. Qu’observe-t’on dans le domaine de métallicité allant de -0.2 à -0.8 dex - là où les étoiles de la population du disque mince ont vraisemblablement migrées à partir du disque externe ?
La très grande majorité (13 sur 14) des étoiles avec planète appartiennent soit au disque épais, soit sont intermédiaires entre le disque mince et le disque épais. Une seule a clairement son origine dans le disque externe. Ceci contredit la corrélation simple entre la présence de planète géante et la métallicité des étoiles. Si la métallicité est la seule responsable de la présence de planète, une proportion équivalente devraient se trouver sur des étoiles du disque mince et du disque épais à une même métallicité. Le mélange radial des étoiles permet d’envisager ce problème selon une nouvelle perspective. La question qui se pose alors est la suivante : comment se fait-il que les étoiles sur lesquelles on détecte le plus de planètes géantes viennent du disque interne, celles où on en détecte le moins du disque externe ? En d’autres termes, y a t’il un paramètre, autre que la métallicité, dépendant de la distance au centre galactique, qui contrôle le taux de planète géante ? La statistique évoquée ci-dessus est faible, et demande à être augmentée, mais la question est posée.
Note : la métallicité est une mesure de l’abondance des éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium dans l’atmosphère des étoiles. Elle est exprimée relativement au Soleil. Les éléments alpha sont fabriqués dans les étoiles massives et ont une masse qui est un multiple entier de celle de l’hélium (particule alpha). Il s’agît ici de Ca, Mg, Si, Ti.