Les galaxies spirales ont non seulement un disque mince d’étoiles, mais aussi un disque épais, de faible luminosité. Les mécanismes invoqués pour former cette composante sont multiples : une phase turbulente initiale dans la formation des galaxies, les fusions entre galaxies, en passant par la migration radiale des étoiles due à la présence de barres stellaires. Une équipe d’astronomes de l’Observatoire de Paris a effectué des simulations numériques pour tester si les fusions mineures de galaxies (avec des petits satellites) pourraient être responsables de la formation des disques épais. Ils constatent en effet un disque épais à la fin de la simulation, constitué pour la plupart d’étoiles qui proviennent du disque mince de la galaxie principale. Les modèles montrent que le disque épais a une échelle de hauteur qui augmente avec le rayon, et une échelle de longueur qui est plus grande que celle du disque mince. Ils ont également simulé la formation du disque épais par évolution seculaire, et ils ne trouvent pas dans ce cas une échelle de longueur plus grande que celle du
disque mince. Les différentes caractéristiques qui en résultent pourraient aider à déterminer les mécanismes réels de formation de cette composante.
Les disques épais sont caractéristiques dans les galaxies à disque et sont
observés tout le long de la séquence de Hubble — de galaxies lenticulaires
aux galaxies de type tardif sans bulbe. Fait intéressant, même si les
disque minces des galaxies présentent une grande variété de propriétés
structurales, les disques épais semblent avoir de nombreuses
caractéristiques en commun, indépendamment des propriétés de leur galaxie
hôte. Les étoiles du disque épais sont en général anciennes, pauvres en
métaux, et montrent un retard dans leur rotation, c’est-à-dire elles
tournent autour du centre de la galaxie plus lentement que les étoiles du
disque mince. Dans certaines galaxies, une fraction élevée (jusqu’à 50%)
des étoiles du disque épais est en contre-rotation par rapport aux étoiles
du disque mince. Les disques épais étant observés dans la majorité des
galaxies spirales, notre Galaxie aussi en possède un. Il a une masse qui est
environ 10% de la masse du disque mince, ses étoiles ont une rotation
inférieure à celle des étoiles du disque mince, elles sont vieilles,
riches en éléments α, et avec une métallicité moyenne intermédiaire
entre celles des étoiles du disque mince et celle des étoiles du halo.
Même si les disques épais sont connus et étudiés depuis 30 ans, leur
origine est encore très débattue. De nombreux mécanismes ont été invoqués
pour expliquer leur formation. Les processus internes tels que la
diffusion des étoiles par les bras spiraux, les nuages moléculaires, ou
par les grumeaux massifs qui se forment dans les disques des galaxies très
riches en gaz dans l’Univers jeune, et encore la migration radiale des étoiles du disque interne vers le disque externe, tous ces mécanismes sont en mesure de
chauffer un disque mince pour produire une composante plus épaisse. Mais
d’autre part, il est bien connu que les mécanismes externes, comme les
fusions mineures, i.e. les fusions de petits satellites sur une galaxie
plus massive, peuvent aussi être un moyen pour épaissir un disque mince
pré-existant.
Comment peut-on distinguer entre ces différents processus pour expliquer
l’origine du disque épais ? Quels sont les signatures (peut-être) uniques
que ces processus laissent dans les étoiles — dans leur distribution, dans
l’abondance de métaux et leur rapports, et dans la cinématique ?
À travers la réalisation de dizaines de simulations à N-corps/SPH, un
groupe de chercheurs de l’Observatoire de Paris a étudié les empreintes
laissées par les fusions mineures sur la distribution verticale des
étoiles par rapport au plan de la galaxie. Leurs résultats montrent que lors de la
fusion d’un satellite, les étoiles du disque mince de la galaxie primaire
peuvent être chauffées et dispersées à des
distances très grandes du plan. Cela laisse une signature unique dans le
profil vertical de densité de surface : le disque épais formé lors de la
fusion a un "excès" d’étoiles dans les régions les plus éloignées du
disque (z> 2 kpc) . La distribution des étoiles dans le disque épais
semble suivre une double fonction sech. La première de ces fonctions
caractérise le disque épais. La deuxième composante, à plus grands z,
définit l’excès. L’échelle de hauteur de l’excès est supérieure à celle de
la composante principale du disque épais. Les étoiles dans l’excès ont une
vitesse de rotation inférieure à celle des étoiles du disque épais, et
donc elles peuvent être confondues avec des étoiles du halo interne de la
Galaxie, qui peuvent avoir une rotation similaire.
Fait intéressant, certaines des étoiles du excès pourraient déjà avoir été
observées. Récemment, Nissen & Schuster (2010) ont découvert la présence
dans le voisinage solaire d’étoiles avec une cinématique du halo, mais des
rapports [α/Fe] similaires à ceux des étoiles du disque épais. Ces
étoiles pourraient bien faire partie de cet excès. Si le disque épais de
la Voie Lactée a été formé par le réchauffement d’un composante mince
pré-existante, nous nous attendons à trouver une population du halo interne
(l’excès), avec des abondances chimiques similaires à celles des étoiles
du disque épais, mais avec un retard dans la rotation par rapport à ces
dernières.
Les modèles montrent aussi que les disques épais résultats de fusions mineures ont une longueur de l’échelle radiale qui est 10-50% plus grande que celle du disque mince. Cela est dû au fait que, lors d’une fusion mineure, le gaz perd du moment angulaire, chute dans les régions centrales de la galaxie, avec une conséquente augmentation de la formation stellaire au centre. L’échelle radiale de longueur du disque mince est affectée par cette redistribution du gaz et par la conséquente formation stellaire, contrairement à l’échelle radiale du disque épais.
Cette différence entre la longueur des échelles du disque mince et disque épais semble également confirmée par les observations :
par exemple, Pohlen et al. (2007) montrent des rapports entre longueur d’échelle du disque mince et disque épais similaires aux simulations.
À la différence des fusions mineures, les disques épais formés par des processus internes ne montrent aucun excès
stellaire dans le profil vertical de densité de surface, ni une longueur du disque épais significativement supérieure à celle du disque
mince. Cela suggère qu’une voie possible pour distinguer entre un disque épais formé par des processus internes et un disque épais formé par des fusions mineures consiste à étudier la distribution radiale des
hauteurs d’échelle et le rapport des longueurs d’échelle, ainsi que la
présence et les propriétés de l’excès stellaire dans le profil vertical de densité surfacique.
Article :
Characteristics of thick disks formed through minor mergers : stellar excesses and scale lengths, Qu, di Matteo, Lehnert, van Driel, A&A in press
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Yan Qu
Paola Di Matteo
Matthew Lehnert
Wim van Driel